"Les récidivistes" de Laurent Nunez ****
"Puis je écrire encore sur Fanny ? Puis je davantage écrire et partager cette vie que j'eus avec elle ? Ce n'est pas que j'hésite ni que l'envie m'en eut manqué. Mais j'ai presque tout oublié de ce bonheur qui m'apparaissait immense."
D'habitude, lorsque je fais la chronique d'un livre, je commence par faire un résumé de l'histoire puis je dis ensuite ce que j'en ai pensé. Impossible de procéder ainsi pour "Les récidivistes" tant ce livre est brillant et surprenant.
Il retrace le parcours initiatique et amoureux d'un jeune homme -Laurent Nunez- qui se pose des questions sur notre rapport au monde et nos relations aux autres. Mais ce n'est pas une banale autobiographie de plus, c'est au contraire un roman époustouflant de talent, qui s'appuie sur la littérature et où le salon des Guermantes devient le truculent bar de la Raspelière. L'occasion aussi pour l'auteur de réfléchir sur notre rapport au temps -c'est très récemment que les hommes ont décidé d'arriver à l'heure, et qu'ils portent une montre au poignet, ce fameux chronos, et sur ce qu'il reste de nos amours. Qu'est aujourd'hui pour le narrateur Fanny qu'il a pourtant profondément aimée ? Pas grand chose si ce n'est rien et c'est à la fois dramatique et heureux, dramatique car quelle tristesse d'oublier des moments si magiques qui avec le temps deviennent comme en dehors de nous, heureux aussi car c'est la preuve qu'il est possible de se délivrer d'un amour déçu. Mais l'amour ce sont aussi les malentendus, les décalages, les lâchetés. De Fanny aux hommes qu'il a aimés, il n'y a qu'un pas et peu importe comme je l'ai lu sur je ne sais plus quelle critique de savoir pourquoi l'auteur est passé des femmes aux hommes. Cet homme qu'on cache dans le placard quand les parents débarquent à l'improviste peut tout aussi bien être la femme qui ne correspond pas aux aspirations parentales. Ainsi ce livre a en quelque sorte une portée universelle et l'autobiographie sert le texte et le message qu'il produit et non l'auteur.
Je pense que Laurent Nunez est un très grand écrivain, il mêle avec brio littérature, réflexion philosophique et une habile construction qui fait de ce premier roman un ouvrage à côté duquel il ne faut pas passer.