"Un minuscule inventaire" de Jean-Philippe BLONDEL ****
"Toutes ces promesses qu'aucun de nous ne tiendra"
Après avoir lu et adoré le dernier livre de Jean-Philippe BLONDEL Passage du gué, je m'étais promis de m'intéresser au reste de sa production. Je viens de finir "Un minuscule inventaire", publié en 2005 chez Robert Laffont.
En lisant le journal local, Antoine, qui est en instance de séparation -sa femme vient de le quitter pour un dentiste- tombe sur l'annonce d'un vide grenier dans un quartier qu'il connaît bien. C'est l'occasion pour lui de faire le vide et de se "débarasser" des objets qui l'encombrent et dont il ne se sert plus.
Mais chaque objet, parmi lesquels un livre, des boucles d'oreille, une écharpe, une petite couverture en laine jaune, un cadre, un stylo et un hamac, lui rappelle un souvenir, des moments de sa vie. Chaque objet raconte une histoire, l'histoire de celui qui s'en débarasse en le vendant mais aussi celle de celui qui l'achète.
L'occasion pour Antoine, de nous raconter sa vie, sa rencontre avec Anne, ses relations avec ses deux enfants, son adolescence, son amitié avec Fabrice, ses histoires d'amour passées ou manquées. Et de pouvoir faire le deuil de celle ci.
Décidément, j'aime l'univers de Jean-Philippe Blondel tout d'abord je crois parce qu'il est de ma génération et que "le freak c'est chic" c'est aussi toute ma jeunesse. Ensuite parce que je me sens proche de sa sensibilité, et que ses pages évoquent pour moi aussi quelque chose, notamment "la tablette que l'on tire" dans le train près de la fenêtre à l'époque où les compartiments n'étaient pas encore complètement remplacés par des trains corails, ou ce souvenir du métro parisien quai de la rapée "qui débouche soudain à l'air libre et monte surla Seine".
Je retrouve un peu aussi du Jean-Philippe Blondel de "Passage du gué" avec une interrogation sur les relations familiales et filiales, un regard très intéressant et pertinent sur la condition de père divorcé et la peur de ne plus être aimé par ses enfants qui vont vivre le quotidien loin de soi , des histoires d'amour à la fois simples et compliquées, une façon de dire les choses simplement, honnêtement, de dévoiler ce que beaucoup pensent au fond de leur coeur, de briser le masque qui habite chacun de nous, une bonne connaissance enfin des enfants petits -les nuits sans sommeil, la fatigue accumulée, les maladies infantiles- et de cette période difficile et fragile qu'est l'adolescence.
Encore une fois un livre intelligent qui parle et me parle et que je vous recommande vivement, d'autant qu'il sort très bientôt en poche.
Je ne voudrais pas finir cette chronique sans quelques passages de ce roman qui m'ont particulièrement touchés.
Sur les regrets : "Il faut laisser le passé en paix, les rencontres amoureuses qui n'ont pas eu lieu ont sans doute leurs raisons de n'avoir pas été "
Sur l'amitié avec Fabrice : "Bien sûr, je redoute le moment où il se fera rejoindre et accoster et où, soudain, ils seront deux, quatre yeux, vingt doigts, une double tête pour décider et ressentir. Je sais qu'à ce moment là, je passerai à l'arrière-plan et que nous ne pourrons nous voir seuls au mieux qu'un soir par semaine. Je le redoute , mais je l'appelle aussi de tous mes voeux."
Sur l'instrospection : "J'avais noué des relations amoureuses dont je m'étais détaché sans bruit, des relations amicales dans lesquelles je semblais être le seul à investir parce que mon attente était beaucoup trop importante et dérangeante, les projets professionnels étaient au point mort -oui, il était sans doute temps de se reposer"
A propos d'amis d'enfance avec qui on a tant partagé, expérience que j'ai vécue moi même et que je trouve d'une si grande tristesse : "Il m'est arrivé de les revoir - de loin en loin- nous ne nous sommes jamais salués."
Rendez vous très bientôt pour le prochain livre de Jean-Philippe Blondel qui paraîtra d'ici la fin du mois This is not a love song et dont les premières critiques sont déjà élogieuses. Je n'ai pas eu la chance de le lire en avant première mais je serai certainement une des premières à l'acheter.