"Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils" de Lydia Flem ****

Publié le par clochette


"Largués par nos parents qui disparaissent, par nos enfants qui quittent la  maison, c'est le plus souvent au même moment de la vie que nous sommes confrontés à ces séparations : nos parents meurent, nos enfants grandissent. Coincés entre deux générations, ceux à qui nous devons l'existence, ceux à qui nous l'avons donnée, qui sommes-nous désormais ?"

Lorsque l'enfant paraît, titre d'un très beau livre de Françoise Dolto, plein de bouleversements agitent la vie de ces nouveaux parents, souvent jeunes, inexpérimentés, en proie à un des plus grands changements de leurs vies. Lorsque l'enfant (dis)paraît, quelques 20 ans plus tard, prêt (ou du moins le croit-il) à s'envoler après avoir été le plus souvent très (trop ?) aimé et choyé, c'est un nouveau bouleversement pour les parents. Alors bien sûr, on ne fait pas des enfants pour les garder pour soi, bien sûr on sait qu'ils partiront un jour. Sauf que cela nous semble loin, si loin, sauf qu'on se croit préparé puisqu'ils sont déjà partis en vacances ou en week-end sans nous, sauf que... "Toute séparation est une forme de deuil. Se séparer, c'est toujours perdre quelque chose, quelqu'un, mais perdre, c'est aussi gagner, gagner une vitalité, une liberté, une identité neuves. Dans tous les rites d'initiation, la perte symbolise la renaissance".

Le départ de sa fille pour une année en Angleterre est l'occasion pour Lydia Flem de s'interroger sur ce moment particulier de la vie où les enfants s'en vont. Tout petit, comme elle le dit si bien, on leur consacre tant d'heures qu'on perd l'habitude d'en avoir pour soi. Puis un premier cap est franchi lorsqu'on n'a plus besoin de courir en sortant du travail pour les récupérer ou à s'organiser pour les faire garder les soirs de réunion.  Mais reste les "Maman, tu peux m'aider à faire mon travail" et les nombreux allers retours pour les déposer chez les copains ou au sport. Jusqu'au jour où il nous faut accueillir son enfant transformé en adulte, ce qui demande infiniment de patience et de savoir faire.

Après avoir écrit "Comment j'ai vidé la maison de mes parents", Lydia Flem nous offre ce savoureux petit livre, presque un recueil de philosophie,  sur ce que devient notre vie lorsque nos enfants s'en vont. De magnifiques réflexions traversent ce livre, qui n'est pas vraiment un journal, pas vraiment une autofiction, pas un roman mais plutôt une sorte comme elle le dit si bien elle même de "non-fiction novel", un roman qui ne serait pas une fiction,  avec en exergue des citations d'"Alice au Pays des merveilles" et des extraits d'un "journal à deux voix autour d'un berceau", retrouvé dans les pages d'un album photo, phrases saisies lors des premiers jours de la vie de leur fille "heures de bonheur sans nuages, sans conflits. Cette joyeuse plénitude l'avions nous vraiment vécue ou était ce l'image d'un paradis perdu ?"

C'est une très belle réflexion sur le lien parent-enfant, qui permet de s'interroger aussi sur la façon dont nous avons nous même quitté nos parents, un texte sur la filiation : que reçoit-on de ses parents, que transmet-on à ses enfants , bien plus de choses qu'on ne pense, des façons de dépenser, de bouger, de parler, de rire, de recevoir. Un certain rapport au monde aussi, aux choses, de façon implicite.

"Nous savions désormais que se séparer, ce n'était pas se perdre. D'autres complicités pourraient naître. Pourtant défilaient devant mes yeux, insistantes, des images d'adieux".

Un très beau livre, profond et sensible.

Lire, écrire, photographier : le blog de Lydia Flem


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D
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E
<br /> J'ajouterai aussi "que donne-t-on à ses parents?" "Que leur transmet-on?"<br /> <br /> et aussi que parfois une personne absente peut être encore plus présente que lorsqu'elle était présente...<br /> <br /> <br />
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