"Élégie pour un américain" de Siri Hustvedt *****
"Nous avons tous des tiroirs secrets"
Erik Davidsen, le narrateur de ce récit, est psychiatre. C'est un homme divorcé, sans enfant, hanté par les histoires de ses patients, qu'il ressasse indéfiniment. Il est très proche de sa soeur, Inga, seule elle aussi car veuve, son écrivain de mari venant de décéder. Il lui laisse Sonia, une jolie jeune fille de 18 ans, traumatisée par les défénestrations auxquelles elle a assisté le 11 septembre 2001, en regardant par la fenêtre de sa classe. Leur père, Lars Davidson, fils de paysan, professeur d'histoire, vient de mourir . Ils se rendent ensemble à son domicile pour trier ses affaires et sont intrigués par la lettre d'une dénommée Lisa, qu'ils ne connaissent pas et qui implique leur père dans une mort mystérieuse...
Parallèlement aux recherches qu'ils effectuent suite à la découverte de ce courrier, ils rencontrent tous les deux des difficultés dans leur vie quotidienne : Érik, qui souffre de solitude, est séduit par Miranda, sa voisine, qui vit seule avec sa fille mais semble en proie à un homme qui la "harcèle" en déposant au pied de sa porte de mystérieuses photos. Sa fille, Eggy, se rend souvent chez Érik. Quanrt à Inga, elle est contactée par une journaliste qui lui apprend l'existence de lettres salissant son mari -ce dernier aurait en effet eu une liaison adultère dont serait né un enfant...
Le récit est émaillé des carnets de leur père, qui sont pour la plupart des récits de guerre avec des descriptions particulièrement horribles - et qui sont les propres carnets du propre père de Siri Hustvedt, décédé avant l'écriture du roman.
Secrets de famille, étude du rôle de la mémoire dans nos vies, évocation de la souffrance , amours contrariés, séparation, mort, analyse de la nature humaine, avec mis en exergue en chacun de nous des personnalités différentes au cours d'une vie et même simultanément. Ce texte ambitieux est magnifique, je me suis régalée en le lisant. J'ai aussi beaucoup aimé le profond lien qui unit ce frère à sa soeur, lien encore resserré à mon sens par la mort du père et leur solitude affective à tous les deux, puisque l'un comme l'autre sont sans compagnon.
Il paraît que les couples en vieillissant se ressemblent. Et beaucoup se sont plu à dire que ce roman était d'inspiration austérienne, c'est à dire qu'il aurait pu être écrit par cet homme avec qui vit la romancière depuis plus de 20 ans. Ce livre est d'ailleurs dédié à leur fille. Il est vrai que j'y ai retrouvé l'ambiance de certains romans de Paul Auster.
C'est un très beau livre, profond, grave, un texte ambitieux qui s'intéresse à la mémoire, à ce que l'on laisse. Un roman sur l'identité aussi, qui s'interroge sur ce que nous sommes vraiment. C'est un roman passionnant, dont les pièces du puzzle s'imbriquent petit à petit, avec des histoires parallèles qui nourissent ce magnifique récit. Un roman sur le deuil aussi et sur les traumatismes de la guerre .
J'ai trouvé ce livre tellement sublime que j'ai emprunté un roman précédent de la romancière "Tout ce que j'aimais", qui m'a envoûtée également. J'en publierai bientôt un compte rendu de lecture.
Sibylline est comme moi elle a beaucoup beaucoup aimé.