"La princesse et le pêcheur" de Minh Tran HUY ***
"Dans la vie, on croise des gens précieux, qu'on voudrait garder toujours auprès de soi, mais qui, pour des raisons qui ne tiennent ni à eux, ni à nous, sont forcés de s'en aller. Ce n'est pas qu'ils nous abandonnent de leur plein gré, ni que nous soyons coupables de n'avoir pas su les retenir, c'est juste que, parfois, il ne peut en être autrement. Il m'est arrivé de chérir profondément des êtres que j'ai perdus, et c'est peut-être pour cela qu'on écrit, pour les retrouver et cheminer, l'espace d'un instant, à leurs côtés. Comme si rien n'avait changé."
Avant de rencontrer Nam, la narratrice, gamine maigrichonne à la frange mal coupée âgée de 15 ans, a toujours évité de réfléchir à ce que le Vietnam représentait pour elle. Lan est née en France de parents vietnamiens, qui ont émigré à Paris au début des années 1960 pour poursuivre leur études, et n'en sont jamais repartis. Nam, lui, a un parcours plus chaotique. Il fait partie de ces "boat people" qui ont fui leur pays, en y laissant sa famille -ses parents, sa petite soeur- et en emmenant avec lui son frère.
C'est au cours d'un séjour linguistique en Angleterre que ces deux jeunes gens, les seuls asiatiques du groupe, vont sympathiser. Lan est d'emblée séduite par ce jeune garçon plus âgé qu'elle de quelques années, venu s'asseoir à côté d'elle lors du voyage. Et une fois rentrés à Paris, ils continueront à déambuler dans la capitale en passant leur temps à discuter. Mais ce qui s'est noué entre eux "vient moins de ce que nous nous sommes confiés que ce que nous avons tu".
Un beau premier roman, vraisemblablement d'inspiration autobiographique, qui revient sur les origines de la narratrice -le Vietnam- et sur la difficulté d'hériter d'un pays où l'on n'a jamais vécu. Délicat, poétique, il est aussi le récit d'un impossible amour entre cette jeune femme et son frère de coeur ou d'origine. C'est un roman sur la transmission aussi, sur la mémoire, sur le poids du silence, sur la difficulté d'assumer l'ambition démesurée qui pèse sur les épaules des jeunes immigrés comme dette à accomplir vis à vis de leurs parents qui ont tout quitté pour un monde meilleur.
Tout au long de ce roman, la narratrice fait référence à un auteur japonais que j'adore Haruki Murakami, à sa "ballade de l'impossible" mais aussi à un de ses autres romans "Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil', l'histoire d'un amour impossible comme celui que vit la narratrice avec Nam, qui la considère comme une soeur alors qu'elle voudrait tant être autre chose.
Ce roman est enfin peuplée de légendes qui viennent agrémenter ce très beau récit, découvert grâce à Hélène.
La princesse et le pêcheur de Minh Tran Huy .- Actes sud, août 2007.- 186 p., 18 €