"Les autres" d' Alice FERNEY *****
Niels offre à son frère Théo pour ses 20 ans un jeu de société qui est en fait un jeu de psychologie intitulé "Personnages et Caractères". Ils vont l'inaugurer le soir même avec Moussia, leur mère, âgée de 58 ans, et des convives invités pour fêter l'anniversaire de Théo : Estelle, sa fiancée et des amis de la famille : Claude et sa petite amie Fleur, Marina et son fils Arthur.
Sorte de jeu de la vérité avec des questions comme "D'après vous, qui ici aime le plus l'argent ?" ou "A qui autour de cette table feriez vous le plus confiance pour garder un secret ?", ce jeu va les amener à se révéler aux autres mais aussi à entendre l'idée que les autres se font d'eux. Autrement dit, comme l'indique la règle du jeu "Personnes susceptibles s'abstenir".
Ce roman polyphonique, où chacun livre ses pensées intérieures avant que nous assistions aux échanges proprement dits, montre la fragilité des relations entre les êtres et surtout le décalage entre ce qu'on pense être et la vision que les autres ont de nous. Car si certains se réjouissent a priori de découvrir ce que les autres pensent d'eux, il n'en reste pas moins que cela peut se révéler une opération dangereuse. En effet, "Qui a déjà imaginé les opinions sévères que portent sur lui même les compagnons qu'il se croyait acquis ?".
J'ai adoré ce livre, rempli de si beaux passages qu'il me faudrait plusieurs pages pour en citer les meilleurs extraits et ses réflexions pleines de justesse et de tendresse sur la vieillesse, la mort (à travers le personnage de Nina, la mère de Moussia, qui ne joue pas avec les autres mais dont la présence est pourtant omniprésente tout au long de la partie), la famille, l'amour, l'amitié mais aussi et surtout les autres et le regard qu'ils portent sur nous : "Je m'inflige et subis la tyrannie du regard des autres, ils croient nous connaître, ils nous imposent ce qu'ils s'imaginent, ignorant résolument qu'ils ne sauraient tout découvrir. Les autres, ils prétendraient pour peu nous dire qui nous sommes, sous ce vieux prétexte existentialiste que seuls nos actes écrivent notre identité".
Je ne sais si ce livre peut aider à accepter le regard souvent faux, pas toujours bienveillant mais inévitable que les autres portent sur nous, en tout cas c'est un vrai bonheur de lecture. Merci à Alice Ferney pour toutes ces belles phrases qui résonnent et sonnent si justement à mon oreille. Bref, ce fut pour moi un vrai régal et mon coup de coeur de la rentrée littéraire 2006.
"Ceux que nous choyons, protégeons et éduquons, nous laissent isolés au dessus d'eux, dans ce territoire du contrôle et de la maîtrise où ils nous croient. Et jamais nous ne les détrompons, jamais nous n'avouons que nous ne savons pas, que nous avons peur, que nous sommes parfois dans l'indifférence et la stupeur et que nous leur tenons la main non pas seulement pour eux mais aussi pour nous."
D'Alice Ferney, j'ai aussi lu et aimé "La conversation amoureuse"
Nota Bene : Ce jeu n'est pas une fiction, il existe vraiment mais... ne me l'offrez pas !
Un autre article sur le blog de Essel
Et l'avis de Praline
Rencontre avec Alice Ferney