"Les larmes de l'assassin" de Anne-Laure BONDOUX ****
Les voyageurs qui arrivaient jusqu'à la ferme des Poloverdo, à l'extrême sud du Chili, s'étonnaient toujours de trouver une habitation dans un lieu aussi aride et reculé où "chaque visite, par sa rareté, prenait une allure d'événement."
Les Poloverdo vivent donc dans une quasi solitude avec leur fils, "un garçon né de la routine de leur lit, sans amour particulier, et qui poussait comme le reste sur cette terre, c'est-à-dire pas très bien".
Mais cette vie monotone est un jour perturbée par la visite d'un homme : Angel Allegria. Angel est un assassin de la pire espèce et à peine arrivé dans la ferme des Poloverdo, il tue de sang froid l'homme et la femme. Reste l'enfant, qu'il n'arrive pas à supprimer.
"Angel Allegria était recherché par les polices de Talcahuano, de Temuco et de Puerto Natales. Dans ces trois villes, il avait dépouillé des vieilles, escroqué des jeunes et tué ceux qui ne s'étaient pas laissé faire. Ses victimes n'avaient pas de visage, et lui-même n'avait jamais l'occasion de se regarder dans un miroir. Son monde grouillait de silhouettes, d'ombres menaçantes, qu'il éliminait comme on chasse des nuées de mouches. Petit, il avait vu son père mourir. Quant à sa mère, il l'avait à peine connue. Très tôt, il s'était débrouillé tout seul pour survivre, suivant la loi de la rue, des trottoirs et de la misère. Il n'avait jamais possédé autre chose que son couteau et sa force physique, l'argent volé fuyant entre ses doigts comme l'eau des torrents. Une fois ou deux, il s'était cru amoureux d'une femme sans que cela adoucisse son tempérament emporté. Ces histoires avaient fini comme le reste, en catastrophes, en cris de douleur et en cavalcades dans les escaliers de secours. Angel Allegria n'était pas un personnage recommandable, surtout pour faire l'éducation d'un enfant."
Il se met pourtant à vivre avec Paolo. Ensemble, ils cultivent le potager, nourrissent les poules et les chèvres. Jusqu'au jour où arrive une nouvelle personne : Luis Secunda, un homme riche, parti faire le tour du monde : "Le père de Luis, riche négociant en vins, arrosait ses enfants avec son argent en pensant que cette sorte d'engrais suffirait à leur épanouissement. Il envoyait des chèques comme d'autres envoient des cartes postales".
Mais Angel va vite se révéler jaloux de cet étranger d'autant plus que l'enfant semble subjugué par cet homme cultivé qui aime lui lire des histoires...
A travers le destin de ces trois personnages, fragilisés par la vie et qui vont voir naître entre eux des sentiments troubles, ce livre offre une réflexion sur le bien et le mal, la rédemption.
Une histoire hors du commun et originale, à la fois roman d'aventures et récit initiatique, une belle écriture, sobre. Ce livre, à la très belle illustration de couverture, a obtenu 17 prix jeunesse et une adaptation cinématographique est prévue.
Du même auteur je vous conseille aussi "Le destin de Linus Hoppe", l'histoire d'un jeune adolescent qui vit paisiblement en sphère 1 alors que son monde en compte 4 (la sphère 4 étant réservé aux "fous"). Mais Linus n'est pas à l'aise dans ce monde organisé et sans surprise et il va tricher au "grand examen" pour pouvoir se retrouver en sphère 2, c'est-à-dire une zone infèrieure à celle où il a l'habitude de vivre. Nouvelle version du "Meilleur des mondes", j'ai beaucoup aimé ce livre qui permet une réflexion sur notre propre société et nos façons de vivre.