"Chimères" de Nuala O'FAOLAIN ****
Kathleen De Burca aura bientôt 50 ans. Or, "la cinquantaine, c'est l'adolescence qui revient de l'autre côté de la vie adulte –le serre-livre correspondant- avec ses troubles de l'identité, ses mauvaises surprises physiques et la force qu'il faut pour s'en accommoder" confie la romancière irlandaise de ce roman.
L'héroïne de ce livre décide un jour de retourner en Irlande, son pays natal, après avoir vécu longtemps comme journaliste en Angleterre. Elle veut se documenter sur une affaire qui a fait grand bruit au 19ème siècle : la liaison amoureuse de Marianne Talbot, aristocrate anglaise avec un palefrenier irlandais. Car Kathleen de Burca s'intéresse à l'amour, à celui de Marianne pour Mullan mais aussi à la passion amoureuse en général : "Oui je m'intéresse à l'amour ! m'écriais je dans le téléphone. Les gens s'intéressent à l'amour. L'amour est ce qui peut arriver de mieux dans la vie de la plupart des gens, qu'ils soient riches ou pauvres".
En se replongeant dans les archives du procès, elle se replonge aussi dans ses propres souvenirs, ses relations familiales, sa tendresse et son amitié pour Alex et Jimmy, deux collègues masculins, sa première histoire d'amour gâchée, ses amants d'un soir, son rapport aux hommes jusqu'à sa rencontre avec Shay. Elle fait le point avec beaucoup de lucidité sur sa vie, avec d'incessants allers retours entre son enfance, sa vie de femme passée, sa vie actuelle et bien sûr l'affaire Talbot. Mais aussi sur les raisons qui l'ont amenées à quitter si longtemps l'Irlande.
Ce premier roman, qui fait suite à une autobiographie à succès, est très réussi. Parfaitement mené de bout en bout, sans jamais un moment d'ennui malgré ses 700 pages, il aborde de nombreuses questions et notamment la place de l'amour, de la sexualité, de la fidélité mais aussi de la solitude et de la vieillesse qui pointe dans ce magnifique portrait de femme. Pas une seconde on ne s'ennuie, c'est émouvant, c'est honnête, c'est poignant. Et on referme ce livre conquis par cet auteur qui réussit à cinquante ans alors qu'elle n'a jamais écrit d'œuvre romanesque un livre admirable.
Classé par la rédaction de "Lire" comme l'un des meilleurs romans de l'année 2003, cela faisait longtemps que je voulais le lire. C'est fait. Je ne l'ai pas regretté.
Edité chez Sabine Wespieser.
Un autre avis à découvrir, celui de Papillon